Pendant la majeure partie de l’histoire scientifique, les femmes qui ont apporté des contributions à divers domaines ont été mises sur la touche ou ignorées au profit de leurs collègues masculins, qui ont récolté la gloire, la reconnaissance professionnelle et les récompenses en espèces qui accompagnent les prix prestigieux comme le Nobel. L’historienne des sciences de Cornell Margaret Rossiter a inventé l’expression « l’effet Matilda » pour décrire les préjugés sexistes dans les sciences. Le travail de Rossiter et les réévaluations populaires comme le livre devenu film Hidden Figures ont inspiré d’autres femmes dans le milieu universitaire à rechercher les femmes scientifiques oubliées, et à les trouver, littéralement, dans les notes de bas de page.
Lorsque la discrimination systématique limite les opportunités pour tout groupe, ceux qui reçoivent une reconnaissance, les exceptions à la règle, doivent souvent être vraiment exceptionnels pour réussir. Il n’y a guère eu de doute, tant de son vivant que dans les nombreuses décennies qui ont suivi, que Marie Curie était une telle personne. Bien qu’obligée d’étudier les sciences en secret dans une « université flottante » clandestine dans sa Pologne natale – puisque les universités refusaient d’admettre les femmes -, Marie Curie (née Marie Salomea Sklodowska en 1867) allait atteindre une telle renommée dans son domaine qu’elle a reçu non pas un, mais deux prix Nobel.
Curie et son mari Pierre ont partagé le prix Nobel de physique avec Antoine Henri Becquerel, découvreur de la radioactivité, en 1903. Le second prix, en chimie, lui revient à elle seule en 1911, « en reconnaissance des services qu’elle a rendus aux progrès de la chimie par la découverte des éléments radium et polonium, par l’isolement du radium et l’étude de la nature et des composés de cet élément remarquable. » Curie n’a pas seulement été la première femme à remporter un Nobel, mais elle a également été la première personne à gagner deux fois, et la seule personne à gagner dans deux sciences différentes.
Ce ne sont là qu’une poignée de réalisations dans une série de premières pour Curie : privée de postes en Pologne, elle a obtenu un doctorat en France, récompensé par la Sorbonne en 1903, la même année où elle a remporté son premier Nobel. « Ses examinateurs, note le site Famous Scientists, étaient d’avis qu’elle avait apporté la plus grande contribution à la science jamais trouvée dans une thèse de doctorat. » Trois ans plus tard, après le décès de Pierre dans un accident, Marie se voit offrir sa chaire et devient la première femme professeur à l’Université de Paris.
Curie a réussi non pas en l’absence, mais en dépit des obstacles sexistes placés sur son chemin à presque toutes les étapes de sa carrière. Après avoir reçu son doctorat, les Curie ont été invités à la Royal Institution de Londres. Seul Pierre est autorisé à prendre la parole. La même année, le comité Nobel décide de n’honorer que son mari et Becquerel. L’Académie a cédé lorsque Pierre a protesté. Curie a été victime d’une vague de xénophobie et d’antisémitisme (bien qu’elle ne soit pas juive) qui a déferlé sur la France dans les années 1900, dont la plus célèbre est l' »affaire Dreyfus ».
En 1911, l’année de son deuxième Nobel, Curie n’a pas été retenue pour devenir membre de l’Académie des sciences française. Il faudra attendre 51 ans pour que la première femme, Marguerite Perey, une ancienne doctorante de Curie, soit élue à cet organe. La même année, Curie a été persécutée sans relâche par la presse française, le public et ses rivaux scientifiques après qu’il a été révélé qu’elle avait eu une brève liaison avec le physicien Paul Langevin, l’un des anciens élèves de Pierre Curie.
Mais peu importe combien d’hommes en position de pouvoir voulaient dissuader Curie, il semblait toujours y avoir des scientifiques et des politiciens plus influents qui reconnaissaient la valeur suprême de son travail et la nécessité de l’aider à le poursuivre. Après son deuxième prix Nobel, son pays natal la reconnaît enfin en lui proposant de diriger son propre laboratoire à Varsovie. Curie l’a refusée pour se concentrer sur la direction du laboratoire Curie de l’Institut du radium de l’Université de Paris, qu’elle a fondé en 1914, une réalisation majeure et, encore une fois, seulement une petite partie de son héritage.
Curie est connue, bien sûr, avant tout pour son travail scientifique exceptionnel, mais aussi pour avoir ouvert des portes aux femmes dans les sciences du monde entier, bien qu’une grande partie de cette ouverture de porte n’ait pu se produire que des décennies après sa mort en 1934, et qu’une grande partie n’ait pas encore eu lieu du tout. Par ailleurs, l’année suivante, Irène Joliot-Curie, la fille des Curie, et son mari Frédéric Joliot-Curie ont reçu conjointement le prix Nobel de chimie. Depuis, seules deux autres femmes ont revendiqué cet honneur, et seules deux femmes, dont Marie Curie, ont remporté le prix de physique, sur 203 lauréats au total.
Il n’y a peut-être encore rien de tel que la parité hommes-femmes dans les sciences, mais ceux qui savent où regarder peuvent trouver les noms de dizaines de femmes scientifiques dirigeant des entreprises appartenant à des femmes, des instituts de recherche et des départements universitaires fondés par des femmes et, comme les célèbres Curie, apportant des contributions majeures à la chimie. Peut-être que dans peu de temps, beaucoup de ces scientifiques exceptionnelles seront aussi connues et largement célébrées que Marie Curie.
via Fantastic Facts
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