Hérode (73-5/4 avant notre ère) était le roi pro-romain du petit État juif dans les dernières décennies avant l’ère commune.
Les premières années
Hérode est né en 73 avant notre ère, fils d’un homme originaire d’Idumée nommé Antipater et d’une femme nommée Chypre, la fille d’un cheik arabe. Antipater était un adhérent d’Hyrcanus, l’un des deux princes qui luttaient pour devenir roi de Judée.
Dans ce conflit, le général romain Pompée intervint en faveur d’Hyrcanus. Ayant favorisé le camp vainqueur du conflit, l’étoile d’Antipater monte, d’autant plus qu’il coopère autant que possible avec les Romains. Dans la guerre civile entre Pompée et Jules César, Hyrcanus et Antipater se rangèrent du côté de ce dernier, ce dont surtout le courtisan fut récompensé : en 47, il fut nommé epitropos ( » régent « ) et reçut la citoyenneté romaine.
Il était évident qu’Antipater était le véritable pouvoir derrière le trône d’Hyrcanus. Il réussit à obtenir la nomination de son fils Hérode à la tâche importante de gouverneur de Galilée. Il lança une petite croisade contre les bandits, ce qui le rendit très populaire auprès de la populace et impopulaire auprès du Sanhédrin.
Le 15 mars 44 avant Jésus-Christ, César fut assassiné. Les nouveaux dirigeants de Rome étaient le neveu de César, Octave, et le puissant commandant en second de César, Marc Antoine. Ils annoncent qu’ils vont punir les meurtriers de César, Brutus et Cassius, qui se sont enfuis en Orient. Cassius ordonna à toutes les provinces et principautés de payer de l’argent pour leur lutte contre Octave et Marc-Antoine, et la Judée dut payer quelque 15 000 kg d’argent. Antipater et ses fils ont dû prendre des mesures sévères pour obtenir l’argent, et dans les troubles qui ont suivi, Antipater a été tué. Avec l’aide des Romains, Hérode tua le meurtrier de son père.
En 43, le neveu d’Hyrcanus, Antigonus, tenta d’obtenir le trône. Hérode le vainquit, et assura la continuité de la lignée d’Hyrcanus en épousant sa fille Mariamme. Bien sûr, le jeune homme n’était pas aveugle au fait que ce mariage renforçait considérablement sa propre prétention au trône.
En attendant, Octave et Marc Antoine avaient vaincu Brutus et Cassius (à Philippes, en 42). Hérode parvint à convaincre Marc-Antoine, qui faisait une tournée dans les provinces orientales qui avaient soutenu les assassins de César, que son père avait été contraint de soutenir leur camp. Le dirigeant romain fut convaincu et accorda à Hérode le titre de tétrarque de Galilée, un titre qui était couramment utilisé pour les dirigeants de parties de royaumes vassaux. (Phasael, le frère d’Hérode, devait être tétrarque de Jérusalem ; Hyrcanus ne restait le chef national juif que de nom.)
Cette nomination a suscité beaucoup de ressentiment chez les Juifs. Après tout, Hérode n’était pas un juif. Il était le fils d’un homme originaire d’Idumée ; et bien qu’Antipater ait été un homme pieux qui avait adoré le Dieu juif avec sincérité, les Juifs avaient toujours méprisé les Iduméens comme étant racialement impurs. Pire encore, Hérode était de mère arabe, et il était communément admis qu’on ne pouvait être juif que si l’on était né d’une mère juive. Lorsque la guerre éclate entre les Romains et les Parthes (en Iran et en Mésopotamie), la population juive se joint à ces derniers. En 40, Hyrcanus fut fait prisonnier et amené à Babylone, la capitale des Parthes ; Antigone devint roi à sa place ; Phasael se suicida.
Hérode réussit à s’échapper et se rendit à Rome, où il persuada Octave et le Sénat d’ordonner à Marc-Antoine de le rétablir. Et c’est ce qui arriva. Après que Marc-Antoine et ses lieutenants eurent repoussé les Parthes, Hérode fut ramené à Jérusalem par deux légions, la VI Ferrata (dont les hommes avaient déjà combattu en Gaule et dans les guerres civiles) et une autre légion, peut-être la III Gallica (37 avant notre ère). Antigonus fut vaincu et après avoir assiégé et capturé Jérusalem, et avoir vaincu la dernière opposition (plus), Hérode put commencer son règne en tant que seul souverain de Judée. Il prit le titre de basileus, le plus haut titre possible.
Le début du règne
La monarchie d’Hérode était basée sur des armes étrangères ; le début de son règne avait été marqué par un bain de sang. Son premier objectif était d’établir son règne sur une base plus solide. Presque immédiatement, il envoie des émissaires auprès du roi des Parthes pour faire revenir Hyrcanus de Babylone. Le roi parthe était heureux de laisser partir le vieil homme, car il devenait dangereusement populaire parmi les Juifs vivant en Babylonie. Bien qu’Hyrcanus soit inapte à redevenir grand prêtre, Hérode tenait son beau-père en haute estime. Le soutien du vieux monarque donnait une apparence de légalité à son propre règne.
Le nouveau roi lança un vaste programme de construction : Les Juifs pouvaient être fiers des nouveaux murs de Jérusalem et de la citadelle qui gardait son Temple. (Cette forteresse fut appelée Antonia, afin de plaire au mécène d’Hérode, Marc-Antoine). Des pièces de monnaie étaient frappées à son nom et représentaient un encensoir sur un trépied, destiné à signifier le soin qu’Hérode apportait aux pratiques cultuelles juives orthodoxes. Ces pièces portaient une légende grecque – HÈRÔDOU BASILEÔS – qui indique qu’Hérode tenait compte de sa réputation à l’étranger. Le nouveau roi continuait à plaire aux Romains, afin de s’assurer qu’ils maintiendraient leur soutien. Il envoya des cadeaux somptueux à leur représentant en Orient, Marc-Antoine, et à sa maîtresse, la reine égyptienne Cléopâtre.
Ces cadeaux faillirent causer la perte d’Hérode. Les relations entre, d’une part, Marc-Antoine et Cléopâtre en Orient et, d’autre part, Octave et le Sénat en Occident se tendirent, et la guerre civile éclata en 31. Elle ne dure pas très longtemps : en août, le chef occidental vainc le chef oriental, qui s’enfuit à Alexandrie. Pour la première fois de sa vie, Hérode s’était allié à un perdant.
Il réussit cependant à résoudre ce problème. D’abord, il fit exécuter Hyrcanus, s’assurant ainsi que personne d’autre ne pourrait prétendre à son trône. Ensuite, il s’est rendu sur l’île de Rhodes, où il a rencontré Octave. Dans un discours brillant, Hérode se vante de sa loyauté envers Marc-Antoine, et promet la même chose au nouveau maître de l’Empire romain. Octave, impressionné par l’audace de l’homme, confirme la monarchie d’Hérode et ajoute même la côte de Judée et de Samarie à son royaume. En fait, Octave n’avait pas vraiment le choix : ses adversaires étaient toujours en vie, et s’il les poursuivait jusqu’en Égypte, Hérode pourrait être un allié utile. En fin de compte, Marc-Antoine et Cléopâtre préférèrent la mort à la reddition, et Octave devint le seul souverain du monde romain. Sous le nom d’Auguste, il devint le premier empereur. Il récompensa son allié par de nouvelles possessions : entre autres Jéricho et Gaza, qui étaient indépendantes.
Régne postérieur
La position d’Hérode était toujours aussi peu sûre. Il poursuivit sa politique de construction pour gagner le cœur de ses sujets. (Un violent tremblement de terre en 31 avant notre ère avait détruit de nombreuses maisons, tuant des milliers de personnes). À Jérusalem, le roi a construit un nouveau marché, un amphithéâtre, un théâtre, un nouveau bâtiment où le Sanhédrin pouvait se réunir, un nouveau palais royal, et enfin, en 20 avant Jésus-Christ, il a commencé à reconstruire le Temple. Et il y a eu d’autres villes où il a ordonné la construction de nouveaux bâtiments : Jéricho et Samarie en sont des exemples. De nouvelles forteresses servaient la sécurité des Juifs et de leur roi : Hérodion, Machaerus et Masada en font partie.
Mais le couronnement d’Hérode fut un splendide nouveau port, appelé Césarée en l’honneur de l’empereur (le port s’appelait Sébastos, traduction grecque d' »Auguste »). Cette ville magnifique et opulente, qui a été inaugurée en 9 avant Jésus-Christ, a été construite pour rivaliser avec Alexandrie dans le commerce terrestre vers l’Arabie, d’où étaient importés les épices, les parfums et l’encens. Ce n’était pas une ville orientale comme Jérusalem ; elle était disposée selon un plan quadrillé grec, avec un marché, un aqueduc, des bureaux gouvernementaux, des bains, des villas, un cirque et des temples païens. (Le plus important de ces derniers était le temple où l’empereur était vénéré ; il commandait le port). Le port était un chef-d’œuvre d’ingénierie : ses jetées étaient faites de béton hydraulique (qui durcit sous l’eau) et protégées par des structures uniques brise-vagues.
Bien qu’Hérode soit un roi-client dépendant, il avait une politique étrangère qui lui était propre. Il avait déjà vaincu les Arabes de Petra en 31, et répéta cela en 9 avant Jésus-Christ. Les Romains n’appréciaient pas ce comportement indépendant, mais dans l’ensemble, ils semblent avoir été très satisfaits de leur roi de Judée. Après tout, il a envoyé des auxiliaires lorsqu’ils ont décidé d’envoyer une armée dans le mystérieux pays de l’encens (Yémen moderne ; 25 avant J.-C.). En 23, l’Iturée et les hauteurs du Golan sont ajoutées aux royaumes d’Hérode, et en 20 plusieurs autres districts.
Avec des projets de construction, l’expansion de ses territoires, la mise en place d’une bureaucratie solide et le développement des ressources économiques, il a fait beaucoup pour son pays, du moins sur le plan matériel. La réputation de son pays – à l’étranger et dans son pays – a certainement été améliorée. Cependant, nombre de ses projets lui valurent la haine amère des Juifs orthodoxes, qui n’appréciaient pas le goût grec d’Hérode – un goût qu’il manifestait non seulement dans ses projets de construction, mais aussi dans plusieurs transgressions de la loi mosaïque.
Les orthodoxes ne furent pas les seuls à en venir à haïr le nouveau roi. Les sadducéens le haïssaient parce qu’il avait mis fin au règne de l’ancienne maison royale à laquelle nombre d’entre eux étaient apparentés ; leur propre influence au sein du Sanhédrin était réduite. Les Pharisiens méprisaient tout dirigeant qui méprisait la Loi. Et probablement que tous ses sujets n’appréciaient pas ses impôts excessifs. Selon Flavius Josèphe, il y avait deux impôts en nature à des taux annuels équivalents à 10,7 % et 8,6 %, ce qui est extrêmement élevé dans toute société préindustrielle.Note Il n’est pas surprenant qu’Hérode ait parfois dû recourir à la violence, employant des mercenaires et une police secrète pour faire respecter l’ordre.
Dans des moments comme celui-là, il était clair pour tout le monde qu’Hérode n’était pas un roi juif mais un roi romain. Il était devenu le souverain des Juifs avec l’aide des Romains et il se vantait d’être philokaisar (« l’ami de l’empereur »), en divertissant Agrippa, le bras droit d’Auguste. Au sommet de la porte du nouveau Temple, un aigle d’or fut érigé, symbole du pouvoir romain au cœur de la ville sainte, ce qui déplut à tous les croyants pieux. Pire encore, Auguste ordonna et paya les prêtres du Temple pour qu’ils sacrifient deux fois par jour en son nom, celui du sénat et du peuple romain. La populace juive commença à croire les rumeurs selon lesquelles leur souverain païen avait violé des tombes juives, volant des objets en or dans le tombeau de David et Salomon.
Mariages
Hérode conclut dix mariages, tous à des fins politiques. Ils étaient probablement tous malheureux. Ses femmes étaient :
- Doris, d’une famille inconnue de Jérusalem : mariée vers 47, renvoyée 37 ; rappelée 14, renvoyée 7/6.
- Elle était la mère d’Antipater, qui fut exécuté en 4.
- La princesse hasmonéenne Mariamme I : mariée 37, exécutée en 29/28. Selon Flavius Josèphe, Hérode était passionnément dévoué à cette femme, mais elle le détestait tout aussi passionnément.
- Cinq enfants : Alexandre, Aristobule, un fils sans nom, Salampsio et Chypre.
- Une nièce inconnue : mariée en 37. Pas d’enfants.
- Un cousin inconnu : marié vers 34/33. Pas d’enfants.
- La fille d’un prêtre de Jérusalem nommé Simon, Mariamme II : mariée 29/28, divorcée 7/6.
- Ils ont eu un fils nommé Hérode.
- Une Samarienne nommée Malthace : mariée 28, morte 5/4.
- Leurs enfants étaient Antipas, Archelaus et Olympias.
- Une femme de Jérusalem nommée Cléopâtre : mariée à 28.
- Ils ont eu deux fils nommés, Hérode et Philippe.
- Pallas : mariée à 16.
- Ils ont eu un fils nommé Phasael.
- Phaedra : mariée à 16.
- Ils ont eu une fille nommée Roxane.
Elpis : mariée à 16.
- Ils ont eu une fille nommée Salomé.
La fin amère
Le règne d’Hérode se termine dans la terreur. Lorsque le roi tomba malade, deux professeurs populaires, Judas et Matthias, incitèrent leurs élèves à retirer l’aigle d’or de l’entrée du Temple : après tout, selon les Dix Commandements, c’était un péché de fabriquer des idoles. Les professeurs et les élèves ont été brûlés vifs. Certains érudits juifs avaient découvert que soixante-seize générations s’étaient écoulées depuis la Création, et une prophétie bien connue annonçait que le Messie devait délivrer Israël de ses souverains étrangers à la soixante-dix-septième génération (suite…). Le récit du massacre des nourrissons de Bethléem dans le deuxième chapitre de l’Évangile de Matthieu n’est pas connu d’autres sources, mais il aurait été tout à fait dans le caractère de l’Hérode ultérieur de commettre un tel acte.
Une horrible maladie (probablement une affection semblable au cancer appelée gangrène de Fournier) a rendu aigu le problème de la succession d’Hérode, et il en est résulté des luttes de factions dans sa famille. Peu avant sa mort, Hérode décida de ne pas laisser ses fils Aristobulus et Antipater, qui furent exécutés en 7 et 4 avant notre ère, ce qui amena l’empereur Auguste à plaisanter en disant qu’il était préférable d’être le cochon (hus) d’Hérode que son fils (huios) – une remarque très insultante pour tout Juif.note
Cependant, l’empereur confirma les dernières volontés d’Hérode. Après sa mort en 4 avant notre ère, le royaume fut divisé entre ses fils. Hérode Antipas devait régner sur la Galilée et la rive orientale du Jourdain en tant que tétrarque ; Philippe devait être tétrarque des hauteurs du Golan au nord-est ; et Archélaüs devint l’ethnarque ( » chef national « ) de la Samarie et de la Judée. Hérode a été enterré dans l’une des forteresses qu’il avait construites, Hérodion. Peu de gens auront pleuré.
Littérature
La source antique la plus importante pour le règne du roi Hérode a été écrite par Flavius Josèphe : la Guerre des Juifs et les Antiquités juives. Les deux ouvrages sont basés sur l’histoire de Nicolas de Damas, secrétaire personnel du roi Hérode.
Littérature moderne : Nikos Kokkinos, La dynastie hérodienne. Origines, rôle dans la société et éclipse (1998 Sheffield) et D.W. Roller, Le programme de construction d’Hérode le Grand (1998) se complètent mutuellement.
Les deux ouvrages sont basés sur l’histoire de Nicolaus Damas, secrétaire du roi Hérode.