Viande congelée

19.3.2.2 Viande congelée/décongelée

Le stockage de la viande congelée est une méthode de conservation courante, qui réduit l’activité enzymatique post-mortem, inhibe la prolifération microbienne et prolonge la durée de conservation (voir chapitre 7). La viande congelée est donc courante dans les transports internationaux ou outre-mer, et des fraudes peuvent être commises en vendant de la viande décongelée comme étant fraîche. Par conséquent, les méthodes permettant de découvrir cette fraude doivent être capables de distinguer les différences entre la viande fraîche et la viande congelée/décongelée (Ballin et Lametsch, 2008) ou entre la viande fraîche/réfrigérée et la viande congelée/décongelée, car la réfrigération est couramment utilisée pour maintenir la fraîcheur. La méthode classique appliquée à cet effet mesure l’activité de l’enzyme mitochondriale (β-hydroxyacyl-CoAdehydrogenase, HADH), qui est libérée dans le jus de viande lorsque les membranes mitochondriales sont endommagées pendant la congélation et la décongélation (Gottesmann et Hamm, 1983). La réaction catalysée est la suivante : Acétoacétyl-coenzyme A + NADH + H+ β-hydroxybutryl-coenzyme A + NAD+. L’activité enzymatique est mesurée à l’aide d’un spectrophotomètre UV en suivant le taux de diminution du NADH, qui est proportionnel à la diminution de l’absorption du jus extrait à 340 nm, mesurée à quelques points de temps. L’activité HADH est mesurée à partir d’une viande sur deux sous-échantillons du même spécimen : (1) sur le fluide intracellulaire pressé du sous-échantillon tel qu’il est reçu au laboratoire et (2) sur le fluide du sous-échantillon qui a été congelé en laboratoire puis décongelé pour l’analyse en laboratoire. Le rapport entre les deux sous-échantillons peut être utilisé comme un indicateur de l’histoire thermique de l’échantillon. Une étape préliminaire importante de cette analyse est la validation des limites des rapports à un intervalle de confiance de 99% pour déclarer que l’échantillon de viande a été préalablement congelé. Si le rapport est proche de 1, il est probable que la viande a été préalablement congelée puis décongelée. Les seuils de coupure varient toutefois selon les espèces et ont fait l’objet d’une validation inter-laboratoires comme dans le cas de la viande de volaille (Union européenne, 2013). De nouvelles approches mathématiques ont été développées pour améliorer la précision et la rentabilité de la méthode HADH en éliminant la nécessité de l’étape supplémentaire de congélation-décongélation. Au lieu de deux mesures d’absorbance à 0 et 3 min, Boerrigter-Eenling et al. (2017) ont proposé d’utiliser des données d’absorption continues pendant le dosage enzymatique pour améliorer la discrimination et réduire considérablement le nombre d’échantillons à analyser. La méthode HADH ne peut pas être appliquée à la viande fraîche hachée, car les dommages mitochondriaux pourraient également être dérivés de ce traitement et elle n’est pas très efficace si la viande n’est pas congelée à une température inférieure à 12°C. L’activité de nombreuses autres enzymes a également été explorée pour la différenciation entre la viande fraîche et la viande décongelée de différentes espèces (par exemple, Toldrà et al., 1991).

La congélation puis la décongélation créent de nombreuses autres modifications microstructurales et altérations des composants de la viande qui ne peuvent être clairement distinguées par une évaluation visuelle. Les méthodologies analytiques peuvent saisir ces différences. Le NIR a été utilisé pour différencier la viande de bœuf, de porc et d’agneau congelée/décongelée (Evans et al., 1998). La technique spectroscopique dans différentes configurations a été utilisée récemment par plusieurs auteurs. Par exemple, les systèmes d’imagerie hyperspectrale NIR et VIS/NIR ont été appliqués pour différencier les muscles porcins frais des muscles congelés/décongelés, avec une classification correcte allant d’environ 90 % à 100 % des échantillons (c’est-à-dire Douglas et al, 2013).

Górska-Horczyczak et al. (2016) ont différencié les morceaux de porc frais des morceaux congelés/décongelés avec un nez électronique basé sur la chromatographie en phase gazeuse ultrarapide soutenu par un réseau neuronal artificiel supervisé pour l’analyse des données acquises atteignant un taux de classification correcte de 80 % à 90 % des échantillons. Chen et al. (2016) ont proposé l’utilisation de mesures d’impédance pour distinguer le muscle de poitrine de poulet frais et congelé-décongelé avec une précision de prédiction allant d’environ 85% à 100%, en fonction du nombre de cycles de congélation/décongélation et des méthodes utilisées pour l’analyse des données.

D’autres méthodes qui ont été proposées pour détecter la viande congelée/décongelée (c’est-à-dire, analyse de l’ADN par PCR, microscopie optique, microscopie électronique, évaluations de l’odeur, de la couleur et de la tendreté ; Ballin et Lametsch, 2008) n’ont pas trouvé d’application pratique. Le niveau de dégradation de l’ARN pourrait potentiellement fournir de nouvelles solutions analytiques pour évaluer le temps écoulé depuis l’abattage et également le niveau des traitements post-mortem de la viande, y compris la congélation et la décongélation (Fontanesi et al., 2008a).

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