Discussion
Des études antérieures de petite cohorte ont rapporté des durées de survie typiques après l’arrêt de la dialyse de 7 à 12 jours (7-9). Cette étude multisite plus importante décrit les patients admis en hospice pour des soins de fin de vie, ce qui constitue donc une population quelque peu différente. Néanmoins, la survie moyenne rapportée ici de 7,4 jours à partir de l’admission en hospice est cohérente avec les études antérieures.
Cette étude a également constaté une variabilité significative de la survie parmi les sous-groupes de patients. Par exemple, la survie dans notre étude variait de <1 jour à 46 jours, avec un large intervalle interquartile (2-9 jours). Les cliniciens sont fréquemment confrontés à cette variabilité individuelle, et l’incertitude qui en résulte quant au pronostic rend difficile la planification des soins. Bien que ces différences soient faibles en termes absolus, même une petite variation de survie d’une semaine est suffisante pour affecter les décisions concernant les soins et l’information des patients et des familles. Par exemple, s’il est probable qu’un patient mourra en quelques jours plutôt qu’en quelques semaines, des soins palliatifs intensifs et une préparation sont indiqués. En particulier, l’équipe du centre de soins palliatifs devra travailler avec le patient et sa famille pour s’assurer que les plans de soins sont en place au moment du décès. Enfin, les membres de la famille doivent être informés que la mort est susceptible de survenir bientôt, afin qu’ils puissent prendre les dispositions nécessaires.
Cette étude a identifié plusieurs caractéristiques de patients que les cliniciens pourraient utiliser pour prédire plus précisément la survie. Certains sous-ensembles de la population semblent avoir une survie particulièrement courte, comme les patients qui sont admis dans un hôpital ou dans une unité de soins palliatifs pour patients hospitalisés. Les patients qui sont alités avec un niveau de conscience altéré (PPS ≤20) ont également une survie particulièrement courte. En outre, les patients présentant un œdème ont une survie plus courte, ce qui suggère que le statut volumique affecte le pronostic. En utilisant ces caractéristiques, les cliniciens pourraient commencer à stratifier les patients en fonction de la survie prédite, ce qui permettrait à l’éducation et à la planification des soins de refléter plus précisément le pronostic.
La décision d’arrêter la dialyse est souvent difficile à prendre pour les patients et les familles (15). Bien que la majorité des membres de la famille finissent par décrire la mort après l’arrêt de la dialyse comme » paisible « , la période entre le dernier traitement de dialyse et le décès peut être très stressante (16,17). En particulier, les familles peuvent remettre en question la décision d’arrêter la dialyse lorsque les patients meurent très peu de temps après l’arrêt. Les membres de la famille souhaitent également disposer d’estimations précises de la survie pour organiser les soins, prévenir les amis et les parents et se préparer émotionnellement à la mort attendue. Par conséquent, de meilleures prédictions pronostiques peuvent faciliter des conversations plus spécifiques sur le pronostic entre les cliniciens, les patients et les familles (18).
De meilleures informations pronostiques pourraient également faciliter les discussions sur le site optimal de soins après l’arrêt de la dialyse. Les anciens patients dialysés ont des besoins uniques en matière de gestion des symptômes en fin de vie. Ils peuvent être asymptomatiques au départ, puis développer rapidement des symptômes croissants liés à l’urémie ou à la surcharge volumique. La douleur, la dyspnée, la myoclonie et les sécrétions sont fréquentes à l’approche de la mort (19). Par conséquent, un patient qui risque de mourir très rapidement après l’arrêt de la dialyse pourrait bénéficier d’une prise en charge hospitalière pour des ajustements fréquents des médicaments. D’autre part, un patient dont la survie anticipée est plus longue pourrait être pris en charge de manière adéquate, au moins au début, dans une maison ou un établissement de soins infirmiers.
Les résultats de cette étude identifient également des différences potentiellement importantes entre les patients atteints d’IRT et la population générale des hospices. Par exemple, les patients qui ont arrêté la dialyse ont eu une survie beaucoup plus courte que les autres patients en hospice. Cette différence a persisté même après ajustement des prédicteurs indépendants de la survie tels que le site de soins, le score PPS et l’âge. Les patients qui sont orientés vers un hospice très proche de la fin de vie présentent généralement des symptômes et des besoins de soins plus importants, et les prestataires doivent être prêts à répondre à ces besoins chez les patients atteints d’IRT qui ont arrêté la dialyse.
Un résultat inattendu de cette étude est que les patients qui ont arrêté la dialyse étaient moins susceptibles d’avoir des directives anticipées. Cela est surprenant, compte tenu du fait que les patients atteints d’IRT ont un taux de mortalité annuel élevé (1). De plus, les hospitalisations et les complications sont fréquentes, et de nombreux patients présentent un certain degré de déficience cognitive (3,20,21). Pour toutes ces raisons, les directives anticipées sont susceptibles d’être particulièrement utiles dans cette population.
Cette étude a également révélé que la proportion de patients admis après l’arrêt de la dialyse variait considérablement entre ces hospices. L’objectif de cette étude n’était pas d’analyser les schémas d’orientation ou d’explorer les caractéristiques des hospices qui sont associées à une plus grande prévalence de l’insuffisance rénale. Néanmoins, cette hétérogénéité est intéressante car elle suggère que certains hospices peuvent avoir plus d’expérience dans la prise en charge de ces patients. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour explorer si ces hospices sont en mesure de fournir des soins de meilleure qualité, avec de meilleurs résultats.
Enfin, cette étude est la première à décrire la petite cohorte de patients atteints d’IRT qui continuent la dialyse au moment de l’inscription à l’hospice. Nous avons constaté que ces patients ont généralement un meilleur état fonctionnel, sont plus jeunes et ont un meilleur pronostic. Ces patients ont également une survie beaucoup plus variable, ce qui rend le pronostic pour ces patients très difficile.
Bien que ces résultats aient le potentiel d’être très utiles pour guider les soins cliniques des patients atteints d’IRT, cette étude présente plusieurs limites. Tout d’abord, nos données ne comprenaient aucune mesure objective de la fonction rénale, comme la créatinine ou l’azote uréique sanguin. Tous ces patients atteints d’IRT étaient auparavant sous dialyse, mais il est possible que certains aient conservé une fonction rénale limitée, ce qui aurait pu affecter la survie. Deuxièmement, nos données n’indiquent pas si les patients étaient sous hémodialyse ou dialyse péritonéale avant d’être orientés vers les hospices. Il n’est pas clair si ces deux groupes suivent des trajectoires de déclin différentes, de sorte que ces caractéristiques devraient faire l’objet de recherches futures.
Troisièmement, notre étude rapporte la survie mesurée à partir de l’admission à l’hospice. Cela contraste avec les études précédentes qui rapportent la survie à partir de la dernière séance de dialyse. Comme nos données ne comportent pas de date fiable pour la dernière séance de dialyse, il n’est pas possible d’utiliser ces résultats pour déterminer la survie typique entre la dialyse et le décès. Néanmoins, il est probable que l’admission en hospice ait eu lieu dans les jours suivant la dernière séance de dialyse. Par conséquent, la survie moyenne à partir de la dernière séance de dialyse n’est probablement que légèrement plus longue que la survie moyenne à partir de l’admission en hospice rapportée dans cette étude.
Quatrièmement, les descriptions rapportées ici de la population des patients qui ont continué la dialyse doivent être interprétées avec prudence. Cela représente une très petite fraction de l’échantillon total, et on ne sait pas si les différences rapportées ici entre ces patients et les patients atteints d’IRT qui ont arrêté la dialyse sont généralisables. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour mieux définir cette population et pour comprendre la trajectoire des décisions que ces patients et leurs familles prennent concernant l’arrêt de la dialyse dans le cadre d’autres maladies graves menaçant le pronostic vital.
A mesure que la prévalence de l’IRT continue d’augmenter, l’arrêt de la dialyse est susceptible de devenir un événement plus courant. Cette étude décrit la survie moyenne après l’inscription à l’hospice d’environ une semaine avec une variabilité significative entre les individus. Les recherches futures pourraient définir plus précisément les trajectoires de survie après l’arrêt de la dialyse, y compris les changements dans l’état fonctionnel et la charge des symptômes au fil du temps. Des études supplémentaires devraient porter sur les directives anticipées et la prise de décision. Enfin, les cliniciens bénéficieraient d’informations supplémentaires concernant l’expérience de la famille dans ce processus. L’arrêt de la dialyse est analogue à l’arrêt d’autres formes de maintien de la vie ; les patients et les familles ont besoin d’autant d’informations que possible pour prendre des décisions en toute connaissance de cause.