Les céphalosporines et les pénicillines partagent un cycle bêta-lactame commun. Il est communément enseigné qu’au moins 10% des patients allergiques à la pénicilline auront une réaction indésirable aux céphalosporines. Cette réactivité croisée potentielle a des implications thérapeutiques extrêmement importantes, car de nombreuses infections graves sont mieux traitées par les céphalosporines en première intention.
Lorsque l’on considère la réactivité croisée, il faut tenir compte de deux points importants. Premièrement, la véritable allergie à la pénicilline n’est pas courante. Graff-Lonnevig et al1 ont noté que dans une cohorte de 298 enfants dont les parents ont donné l’histoire d’une allergie à la pénicilline, un seul avait un résultat positif à un test de radioallergosorbent (un test in vitro de l’allergie à la pénicilline). Les 297 autres patients ont reçu un traitement antibiotique de 10 jours. Seuls 10 % des enfants ont présenté une réaction compatible avec une allergie, et 22 de ces 30 réactions sont survenues après le 7e jour. Dans une étude similaire menée par Surtees et al2, sur 132 patients envoyés par des médecins généralistes britanniques, seuls 4 ont vu leur allergie confirmée par un test de radio-allergosorbent. Les 128 autres ont reçu une dose unique de pénicilline orale et n’ont pas eu de réaction allergique. L’incidence réelle de l’allergie chez les patients ayant des antécédents d’allergie à la pénicilline est sensiblement inférieure à 10 % ; par conséquent, le taux de réaction croisée entre pénicillines et céphalosporines doit certainement être inférieur.
Le taux de réaction croisée entre les céphalosporines de troisième génération et la pénicilline approche 0%
Deuxièmement, la plupart des données suggèrent qu’une réaction croisée entre la pénicilline et les céphalosporines est rare, peut-être pas plus importante que celle entre les pénicillines et les antibiotiques structurellement non apparentés. Anne et Reisman3 ont examiné les données de séries publiées et les rapports de post-commercialisation des fabricants de médicaments. Les réactions allergiques graves aux céphalosporines surviennent chez environ 0,02 % des patients qui prennent l’antibiotique. Le taux de réactions graves chez les patients allergiques à la pénicilline semble être de deux à quatre fois supérieur à ce taux de base. Cependant, un taux de base de réactions graves trois fois plus élevé est observé chez les patients allergiques à la pénicilline lorsqu’ils reçoivent un antibiotique structurellement non apparenté.
Ces données suggèrent qu’un antécédent d’allergie à la pénicilline est un facteur de risque général de manifestations allergiques à l’administration d’antibiotiques et n’est pas spécifique aux céphalosporines. Les auteurs notent que les études initiales qui suggéraient une réaction croisée élevée entre la pénicilline et les céphalosporines de première génération ont été réalisées lorsque des problèmes liés au processus de fabrication signifiaient que les céphalosporines étaient fréquemment contaminées par la pénicilline. Le taux de réaction croisée entre les céphalosporines de troisième génération et la pénicilline avoisine 0 %.3
Anne et Reisman notent également que les tests cutanés ne permettent pas de différencier les patients chez qui une réaction grave aux céphalosporines se développera.3 Le mythe selon lequel il existe un taux élevé d’allergies croisées entre la pénicilline et les céphalosporines doit être dénoncé afin que les patients qui ont besoin de céphalosporines les reçoivent, qu’ils aient ou non des antécédents d’allergie à la pénicilline. Les médecins doivent noter que les patients ayant une véritable allergie à la pénicilline ont un risque légèrement accru de réaction allergique lorsqu’on leur donne n’importe quel antibiotique.