Une femme de 42 ans originaire de Zambie s’est présentée avec des plaintes de fatigue et de palpitations occasionnelles depuis quatre mois. Les palpitations étaient momentanées et récurrentes mais jamais soutenues. Elle avait des antécédents d’hypertension qui était bien contrôlée sous telmisartan. En dehors de cela, les antécédents étaient sans particularité.
Vous trouverez ci-dessous l’ECG à la présentation. On observe des complexes prématurés et des pauses récurrentes. Comment les expliquer ?
A première vue (figure 1), on voit une bradycardie et des pauses fréquentes. Il y a clairement 2 ondes P ectopiques prématurées sans QRS consécutif, ce qui suggère des ectopies atriales bloquées. Cependant, cela ne peut pas expliquer le QRS prématuré « interpolé », qui ne change pas l’intervalle RR basal. De façon intéressante, cette durée est la même que celle de l’onde P ectopique à l’onde P sinusale suivante(les sont égales).
ÉCG de base.
L’examen clinique, l’échocardiographie, l’épreuve d’effort et l’IRM cardiaque étaient normaux. Un Holter de 24 heures a montré des complexes de jonction prématurés (PJC) récurrents, parfois avec un bloc AV comme le montre l’ECG, mais il n’y avait pas de corrélation claire entre les symptômes et ces résultats.
Après mûre réflexion, elle a subi une étude électrophysiologique. Au cours de celle-ci, nous n’avons pas pu démontrer la dualité des nœuds AV ou induire une quelconque tachycardie, même après l’isoprotérénol. Des PJC récurrentes ont été observées. Au cours de l’étude, toutes les PJC ont conduit vers les ventricules.
L’ECG suivant (figure 2) a été enregistré pendant l’étude électrophysiologique :
ECG pendant l’EPS.
Trois complexes QRS prématurés (*) sont observés. Les 2 premiers sont suivis d’une pause ; le 2e présente une morphologie RBBB.
Signaux intracardiaques provenant de l’oreillette (sinus coronaire, CS) et de la région du faisceau de His. Le diagramme en échelle permet d’expliquer le mécanisme des pauses. Les sont égales et représentent la longueur du cycle sinusal. (voir Fig. 3)
Signaux intracardiaques du CS et de la région du faisceau de His ainsi que le diagramme en échelle.
En gros, il y a de fréquents complexes de jonction prématurés (PJC). Les 1er et 2ème PJC conduisent de manière rétrograde, réinitialisant le nœud sinusal, on observe donc une pause compensatoire incomplète. Le troisième PJC ne conduit pas de manière rétrograde vers l’oreillette. Par conséquent, l’impulsion sinusale suivante arrive à temps.
Un autre phénomène observé dans l’ECG de base, qui n’a pas pu être démontré lors de l’étude électrophysiologique doit être clarifié, les pauses marquées par une inversion des ondes P dans la sonde V3 (P). Ceci est expliqué dans le diagramme en échelle ci-dessous(voir Fig. 4).
Diagramme en échelle expliquant l’ECG de base.
Les PJCs se sont déroulées selon trois schémas. Comme le montre le diagramme en échelle, la première PJC (J) conduit à la fois antégrade et rétrograde, réinitialisant le nœud sinusal et entraînant une pause. La PJC suivante conduit de manière antérograde mais se bloque de manière rétrograde, ne réinitialise pas le nœud sinusal, et il n’y a donc pas de pause. Les 3e et 4e PJC ne conduisent que de manière rétrograde et réinitialisent le nœud sinusal, ce qui entraîne un retard dans l’impulsion sinusale suivante.
La dame a été conseillée et rassurée, et laissée seule sous une petite dose de métoprolol. Après avoir été rassurée et avoir suivi un programme régulier d’exercices modérés, la patiente est asymptomatique lors du suivi téléphonique à six mois.
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