DISCUSSION
La perforation du pharynx ou de l’œsophage survient le plus souvent après une instrumentation ou l’ingestion d’un corps étranger (7-9). L’augmentation remarquable de l’endoscopie diagnostique et thérapeutique a fait de l’instrumentation la cause la plus fréquente de perforation œsophagienne (9). Les perforations peuvent être iatrogènes mais aussi survenir spontanément. La rupture spontanée du pharynx ou de l’œsophage est une condition rare et la déchirure se situe généralement au niveau du tiers inférieur de l’œsophage. Le site est typiquement une zone de rétrécissement naturel, au niveau de l’arc aortique, de la carène ou de l’oreillette gauche, ou à la jonction œsophagogastrique (1). Le sinus piriforme est également à risque en raison de l’absence d’une couche musculaire longitudinale de renforcement (9). On pense que le mécanisme de la perforation spontanée du pharynx ou de l’œsophage cervical implique une forte augmentation soudaine de la pression pharyngée ou œsophagienne supérieure entraînant la rupture de la paroi fragile. Cela implique également une augmentation soudaine de la pression intraluminale contre les plis vocaux fermés, le plus souvent à la suite d’une forte envie de vomir ou de se moucher (3-5). Dans le cas présent, le site de rupture allait de la paroi oropharyngée latérale à l’hypopharynx supérieur, ce qui est plus élevé que dans les rapports précédents (3-6). Cela peut résulter d’une augmentation soudaine de la pression oro- et hypopharyngée par la fermeture instantanée du vélopharynx et de l’oropharynx antérieur. Le site de perforation suggère que la physiopathologie de ce cas peut être différente de celle de la perforation de l’œsophage dans le syndrome de Boerhaave qui serait le résultat d’une augmentation soudaine de la pression interne de l’œsophage produite pendant les vomissements, suite à une incoordination neuromusculaire entraînant l’incapacité du muscle cricopharyngé à se détendre.
La rupture de l’œsophage entraîne souvent une morbidité et une mortalité élevées, d’où l’importance d’une reconnaissance précoce. Un diagnostic tardif, plus de 24 heures après la perforation, est associé à une morbidité et une mortalité accrues (1, 7, 8). Le diagnostic précoce est souvent difficile et nécessite un indice de suspicion élevé, en particulier chez les patients présentant une présentation atypique. La triade classique constitue le syndrome de Boerhaave : vomissements violents, douleur thoracique et emphysème sous-cutané. La douleur est le symptôme le plus courant et est généralement localisée au site de la perforation. Dans les perforations cervicales, la douleur du cou peut être accompagnée d’une sensibilité du muscle sternomastoïde (9). L’emphysème du cou est également fréquent après des perforations cervicales et généralement détecté par un examen radiographique ou tomodensitométrique en plan. Les symptômes et les signes semblent se présenter plus tôt et de manière plus typique dans les perforations du pharynx ou de l’œsophage cervical que ceux du syndrome de Boerhaave classique. Les complications respiratoires ou intrathoraciques sont peu fréquentes dans les perforations du pharynx ou de l’œsophage cervical, survenant chez environ 10 % des patients, contre plus de 50 % des patients présentant une perforation de l’œsophage thoracique (10). Une étude de la déglutition avec un produit de contraste hydrosoluble confirme le diagnostic et définit le site exact. Dans le cas présent, le site de perforation a été confirmé à la fois par l’étude de la déglutition avec gastrographie et par la tomodensitométrie.
La prise en charge de la perforation œsophagienne spontanée est controversée et une intervention chirurgicale précoce est préférable dans la plupart des cas de rupture œsophagienne thoracique (7, 8). La prise en charge dépend du moment de la présentation, du site de la rupture et de l’étiologie. La plupart des séries de perforation spontanée du pharynx ou de l’œsophage ont été prises en charge de manière conservatrice et ont été guéries sans morbidité significative (3-6). Une prise en charge conservatrice peut être envisagée chez les patients dont la fuite est bien contenue et qui ne présentent pas de complications significatives ; elle comprend des antibiotiques à large spectre et une alimentation entérale/parentérale (7, 10). Les patients présentant une perforation large et non contenue et les patients présentant des signes de choc ou de septicémie doivent faire l’objet d’une intervention chirurgicale appropriée. La chirurgie consiste en un drainage avec ou sans réparation, une déviation œsophagienne ou une œsophagectomie (7). Dans les perforations pharyngées ou cervicales de l’œsophage, un simple drainage de l’espace paracervical avec ou sans réparation primaire, est couramment couronné de succès sans morbidité et mortalité significatives (3-6, 10).
En conclusion, une rare rupture pharyngée spontanée peut survenir chez un patient en bonne santé après des vomissements forcés. Ce cas est unique car le site de déchirure, impliquant l’oropharynx et l’hypopharynx supérieur, diffère de ceux des rapports antérieurs (3-6, 10). En cas de suspicion clinique, un examen initial de tomodensitométrie et des études de contraste de la déglutition doivent être effectués le plus tôt possible. La petite rupture pharyngée non compliquée peut se résoudre sans intervention chirurgicale.