J’ai découvert l’œuvre de Clara Schumann il y a seulement un an. J’écoutais de la musique à la table de la cuisine avec des amis, et son Scherzo n° 2 est passé. La musique enflammée m’a immédiatement attirée, mais je ne l’ai pas reconnue et j’ai demandé ce que c’était. J’ai été stupéfaite de découvrir la réponse. J’avais bien sûr entendu parler de Clara Schumann – pianiste et compositrice allemande du XIXe siècle – mais, comme beaucoup de gens, je la voyais simplement comme l’épouse de Robert Schumann. J’ai décidé d’en apprendre davantage sur elle.
Plus je lisais sur Clara, plus elle m’inspirait. J’aime à la considérer comme la Beyoncé de son époque : une artiste à succès, capable de concilier maternité et tournées, mariée à un collègue musicien et une femme vraiment indépendante ! Ce qui m’a le plus étonnée, c’est sa force. En faisant des recherches sur sa vie, je n’arrivais pas à croire qu’elle avait réussi à mener une carrière de concertiste aussi longue et chargée, de l’enfance à la vieillesse, tout en ayant huit enfants et un mari qui a lentement sombré dans une grave maladie mentale, pour finalement mourir dans un asile alors qu’il avait encore la quarantaine. Elle a également eu une enfance difficile. Son père, Friedrich Wieck, un homme très autoritaire, était déterminé à faire de Clara une pianiste de concert, ce qui était particulièrement difficile étant donné que le monde était dominé par les hommes à cette époque. Dès son plus jeune âge, elle a dû passer des heures chaque jour à s’exercer, et une grande partie de son enfance a été passée sur la route avec son père, à donner des concerts.
Elle a rencontré Robert lorsqu’il est devenu un élève de son père. Tous deux sont tombés amoureux ; son père leur a interdit de se marier mais ils ont échangé des lettres d’amour et se sont rencontrés en secret, et se sont effectivement mariés à Leipzig en 1840 – la veille du 21e anniversaire de Clara. J’ai 23 ans aujourd’hui et je trouve époustouflant de penser qu’elle avait accompli tant de choses à cet âge : elle avait déjà composé plusieurs œuvres, dont son Concerto pour piano, et avait fait des tournées en tant que pianiste de concert pendant plus de la moitié de sa vie.
Il semble que la plupart des compositions de Clara étaient en fait des cadeaux à son mari. Il l’encourageait à composer et, en retour, elle éditait ses œuvres. Dans sa musique, je peux certainement entendre les influences de Robert, mais elle a aussi sa propre voix, unique. En fait, les gens sont prompts à suggérer que Clara a également été influencée par Brahms (un autre de mes héros de la musique classique), mais comme elle composait bien avant même de le rencontrer, je pense qu’il est plus juste de dire que c’était l’inverse.
J’ai décidé que pour mes débuts chez Decca Classics, je voulais enregistrer un album exclusivement consacré à la musique de Clara Schumann. Je me suis plongé dans ses compositions via des enregistrements et des partitions et j’ai découvert des œuvres incroyables – dont une grande partie m’était inconnue, tant elles sont rarement jouées dans les salles de concert modernes. En mettant sa musique en lumière, j’espérais inciter d’autres personnes à l’interpréter et à la programmer davantage. Son œuvre la plus connue est sans doute son Concerto pour piano, qui figure bien sûr sur l’album, ainsi que ce remarquable Scherzo n° 2 – le morceau qui m’a fait découvrir son univers musical. Il y a aussi sa Sonate pour piano en sol mineur, une œuvre magnifique et fascinante qui n’a jamais été publiée de son vivant.
Récemment, j’ai eu la chance de visiter le lieu de naissance de Clara à Leipzig et la Schumann-Haus, où elle et Robert ont passé les quatre premières années de leur mariage. Ce n’est pas loin du célèbre Gewandhaus, où Clara a fait ses débuts de concertiste à l’âge de neuf ans, et du balcon de leur maison, vous auriez probablement pu voir la salle. Il y a une école de musique à côté, avec une cour de récréation qui a des carillons à vent – même maintenant, il y a encore de la musique qui bourdonne autour.
Se promener dans le petit espace où Clara vivait avec Robert et leur jeune famille m’a donné un aperçu fascinant de sa vie personnelle et a vraiment amélioré ma compréhension de sa musique. Leur maison – un musée, a des objets, y compris un modèle de la main de Clara, un piano construit par l’un de ses cousins, et une robe qu’elle aurait pu porter pour voyager. J’ai été intriguée de voir que, bien qu’elle soit une femme petite et mince, elle avait de très grandes mains – ce qui explique la virtuosité de sa musique et pourquoi certaines parties sont assez difficiles à jouer. Je me surprends à sauter sur le piano pour compenser le fait que mes mains sont légèrement plus petites que les siennes. Son Concerto pour piano en est la preuve – non seulement il est très difficile techniquement et stimulant musicalement, mais il est étonnant de penser qu’elle l’a écrit à 14 ans. Le fait de pouvoir toucher le véritable piano sur lequel Clara jouait m’a également permis de me faire une meilleure idée de la façon dont il aurait sonné pour elle – ce piano historique n’est pas aussi robuste que nos instruments modernes et aurait donc probablement nécessité un toucher plus sensible.
Ce vendredi, à l’occasion du 200e anniversaire de la naissance de Clara Schumann, je retourne à Leipzig pour jouer sur son piano « Wieck » lors du gala de réouverture de la Schumann-Haus, après sa rénovation. Le même soir, Andris Nelsons dirigera des œuvres de Clara et Robert Schumann lors d’un concert au Gewandhaus. Il serait merveilleux que cet anniversaire mette en avant sa musique, ainsi que celle d’autres compositrices. Pourquoi sa musique n’est-elle pas jouée plus souvent ? – Ce n’est pas parce qu’elle manque de qualité. La musique des femmes compositeurs est généralement beaucoup moins jouée que celle de leurs homologues masculins, et trop souvent uniquement par d’autres femmes. Je suis convaincue que cela doit changer. La musique de Clara s’adresse à tout le monde et j’espère qu’elle continuera à être jouée par des hommes et des femmes. Elle est une figure imposante de l’histoire de la musique classique et mérite d’être davantage entendue.
– Romance sort maintenant chez Decca Classics. Lire notre critique.
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